8 mars 2022 : la libre disposition de soi !
« Tous les élèves doivent porter une tenue propre et décente ». « Nous vous demandons d'éviter les pantalons fendus aux genoux et/ou troués ainsi que les shorts et jupes trop courts. » « Les vêtements “trop courts” ou les sous-vêtements “trop apparents” sont interdits. »
En 2022, dans les établissements scolaires du second degré, encore trop de règlements intérieurs mentionnent l’obligation de tenues « décentes » ou « correctes » en listant parfois les vêtements prohibés. Et l’arrivée du crop top dans la mode a donné une occasion supplémentaire de se focaliser sur les adolescentes, le corps des femmes restant ainsi l’objet de toutes les injonctions. Les garçons ne sont d’ailleurs pas en reste, avec parfois, en été, une fronde contre les bermudas.
Ces pratiques, la FCPE les dénonce depuis longtemps. C’est pourquoi les deux coprésidentes de la fédération, Carla Dugault et Nageate Belahcen ont tenu à réaffirmer leur position en ce 8 mars 2022, à l’occasion de la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes.
« Les interdictions vestimentaires se multiplient dans les établissements scolaires jusqu’à intégrer les règlements intérieurs, confirme Nageate Belahcen, coprésidente de la FCPE. Malheureusement souvent, ce sont les filles qui en font les frais. Ces mesures, qui n’ont aucun fondement républicain, ne font que renvoyer les jeunes à des codes sociaux ou à une moralité aujourd’hui dépassée. Pendant très longtemps, les femmes se sont battues pour disposer des mêmes droits que les hommes. Le droit de disposer de son corps fait partie intégrante de ces combats. »
Pourquoi priverait-on un élève d’éducation en raison de sa tenue vestimentaire ? Le sujet n’est pas nouveau. Les modes changent, et suscitent chaque fois un tollé. Pour le sociologue François de Singly, « Porter un crop top n'est que la dernière version d'un phénomène récurrent : choquer le monde adulte. […] On ne peut pas demander à la fois aux élèves d'être créatifs, innovants et rêver avec nostalgie qu'ils endossent un uniforme en restant sagement disciplinés. Comme on ne les laisse pas s'exprimer sur des sujets importants, les adolescents s'expriment sur des sujets secondaires. »
Pour marquer leur indignation face aux réflexions reçues dans leurs établissements sur l'indécence supposée de leurs tenues, le 14 septembre 2020, des lycéennes et des collégiennes avaient lancé le mouvement #lundi14septembre. Nul doute qu’avec l’arrivée du printemps, le retour des élèves en présentiel, et l’inscription du port de l’uniforme dans le programme de certains candidats à la présidentielle, la polémique reviendra bientôt sur le devant de la scène.
Dans une interview accordée au Monde, la spécialiste de l’histoire des femmes, Christine Bard explique très bien cette récurrence des débats à propos du vêtement féminin : « Ces controverses n’en finissent pas. Trop courte, la minijupe fait problème, trop longue aussi, car elle serait devenue un signe religieux ostentatoire. Il y a quelques semaines, on s’inquiétait des risques sociaux de la mode non genrée… […] Le vêtement a toujours été, dans toutes les sociétés, un outil de contrôle social, et l’on sait le rôle que les religions jouent traditionnellement dans ce contrôle consolidant l’ordre moral et sexuel patriarcal. La sexualisation du corps des jeunes filles, celle qui panique encore, visiblement, c’est tout autant la monstration du corps que son effacement. Voilé ou dévoilé, le corps féminin est coupable. C’est celui de l’Eve tentatrice. »
Dans un tel contexte, faire de la pédagogie auprès de l’ensemble de la communauté éducative semble donc primordial. Les parents délégués ont un rôle à jouer et les actions possibles sont nombreuses. « À nous d’inciter à un dialogue constructif au sein des comités d’éducation à la santé et à la citoyenneté, par exemple, poursuit Nageate Belahcen, ou de faire réviser les règlements intérieurs avant leur vote en conseil d’administration en début d’année scolaire. Bien souvent, il y a confusion dans les établissements scolaires sur ce qui relève du droit et ce qui relève de la morale. On passe alors à côté du vrai débat, qui est l’hypersexualisation des jeunes filles par les adultes qui les entourent. »
Nos deux affiches à télécharger :
Manifestation à Paris
Face à l’ampleur des dénis des droits des femmes, la Ligue des droits de l’homme (LDH) appelle à manifester à Paris ce 8 mars 2022, à 14h, de la Gare du Nord en direction de l’hôpital Tenon. Son université d’automne du mois de novembre 2022 sera consacrée aux luttes des femmes dans le monde. Car loin de s’enfermer dans un statut de victimes, les femmes sont sur tous les fronts, dans tous les mouvements de libération et les luttes pour leurs droits.