Ecole maternelle : ce sera mieux demain ?
Lire, écrire, compter, respect d’autrui… Les parents d’élèves ont-ils le droit d’être un peu circonspects après le discours du président de la République, ce mardi 27 mars, en ouverture des assises de la maternelle ? Bien sûr, la FCPE applaudit l’annonce phare d’Emmanuel Macron d’abaisser de 6 à 3 ans l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019. Puisque cette revendication était la nôtre depuis bien longtemps. Mais beaucoup d’autres assertions, d’abord du ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer, puis du président de la République, sèment le doute sur les motivations qui sous-tendent les positions affichées. Et quid de la scolarisation à 2 ans ? Décidément, la FCPE et le gouvernement ne semblent pas avoir la même définition d’une école de la bienveillance.
1. « Lutter contre la fabrique des inégalités profondes »
Aujourd’hui, 97 % des élèves de moins de 6 ans sont scolarisés à l’école maternelle. « Un chiffre qui couvre des pratiques différentes d’un territoire à l’autre », explique le président de la République, qui inscrit sa mesure dans la lutte contre la pauvreté. Alors, « à partir de la rentrée 2019, je veux que nous puissions, par une assiduité de tous, corriger ce différentiel qui n’est plus acceptable ». Le mot « assiduité », Jean-Michel Blanquer l’a utilisé avant lui, en stigmatisant au passage les familles issues des quartiers prioritaires et celles qui vivent dans les territoires d’outre-mer, parce qu’elles ne ramènent pas leur enfant à l’école l’après-midi. Construire une école de la bienveillance donc, en rejettant la responsabilité sur le dos des familles en grande précarité… On voudrait les remettre au pas, que l’on ne s’y prendrait pas autrement…
2. « Concilier exigences cognitives et affectives »
En s’appuyant sur la prise de parole du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le ministre de l’Education nationale, puis le président de la République, ont tous les deux beaucoup insisté sur l’importance de la sécurité affective de l’enfant dans son développement… Et après ? Après, ils avancent une ritournelle bien connue : lire, écrire, compter, respect d’autrui sont les grands défis que devront relever les futurs élèves de maternelle. Et pour calmer à l’avance ceux qui y trouveraient à redire, ils sermonnent : « Trop longtemps, les débats sur la maternelle ont été clivés : ceux tournés vers l’épanouissement, ceux tournés vers l’apprentissage des fondamentaux ». En tout état de cause, leur objectif est bien de « stimuler précocément les enfants pour qu’ils réussissent ». Boris Cyrulnik ajoute une petite formule du plus bel effet : « Plaisir et efforts ne sont pas antagonistes ». Enfin, l’importance de l’acquisition du langage est soulignée. Belle idée déjà réaffirmée dans les programmes scolaires réécrits en 2015.
3. « Reconnaître le rôle essentiel de l’école pour construire notre société »
En conclusion de son discours, le président de la République a rappelé que cette nouvelle obligation d’instruction dès 3 ans venait compléter un éventail de mesures définies dans la même perspective : reconnaître le rôle essentiel de l’école pour construire notre société. Il cite les dédoublements de CP et CE1, le dispositif devoirs faits, le retour de la lecture !, une orientation mieux articulée vers l’enseignement supérieur, un reconception du temps parascolaire autour du mercredi ! Tout a été pensé dans la même logique, dit-il, éviter que les inégalités ne se répliquent. Il oublie sans doute les nombreuses fermetures de classes, le retour de la sélection pour l’entrée à l’université, des rythmes scolaires éclatés sur le territoire entre les 4 jours et les 4 jours et demi…
En amont de ces assises, avec dix autres organisations, la FCPE avait adressé une lettre ouverte au ministre de l’Education nationale, pour en effet réclamer une scolarisation précoce des enfants, condition de leur réussite future. Mais, les phrases suivantes étaient essentielles : « Cela suppose des adaptations matérielles et temporelles, des moyens et une pédagogie prenant en compte les besoins et le développement des très jeunes enfants. C’est en agissant sur les effectifs par classe, la formation de tous les personnels, l’aménagement des espaces et du temps, le maintien de contenus d’apprentissages exigeants dans tous les domaines, le développement de la relation aux familles, la présence effective des réseaux d’aide (RASED), la complémentarité des personnels que nous ferons grandir encore l’école maternelle. ». Sur ces points précis, aucun engagement n’a été pris. Le président de la République attend beaucoup de l’école maternelle, mais l’école maternelle attend aussi beaucoup de lui…