Donner toute leur place aux parents à l'école pour le bien-être des jeunes

« Donner toute leur place aux parents pour le bien-être des élèves » est le thème retenu pour le second volet du colloque 2023 de la FCPE consacré au bien-être des enfants et des jeunes. Après un premier webinaire consacré à la santé mentale des enfants et des jeunes, ce second webinaire s’est tenu le 20 avril 2023, en présence de Jean-Louis Auduc et Jérémie Fontanieu.

Il est urgent de créer les conditions d’un véritable accueil des parents à l’école
 
Grégoire Ensel, président national de la FCPE, insiste, en introduction du webinaire, sur ce partage de l’acte éducatif qu’est la coéducation : parents et institution scolaire, chacun dans son rôle et dans ses compétences, agissent autour de l’enfant. Main dans la main, ils doivent faire en sorte d’instaurer un climat favorable à la réussite de tous les enfants.
 
Ainsi entouré, poursuit Grégoire Ensel, un jeune qui se sent bien à l’école se trouvera dans de meilleures dispositions pour réussir son parcours scolaire et construire son projet de vie. La consolidation des liens entre enfants, parents et école apporte un cadre sécurisant et rassurant pour l’enfant dans ses apprentissages. La relation parents école est au cœur des questions qui animent le vivre-ensemble ; elle impacte la façon dont enfants et parents vivent les valeurs de la République.
 
Il n’y a pas de parents démissionnaires
 
Jean-Louis Auduc, spécialiste en sciences de l’éducation, ancien directeur de l’IUFM de Créteil où il a mis en place des formations sur les relations parents-enseignants, le dit à son tour très clairement, il n’y a pas de parents démissionnaires, il n’y a que des parents désemparés face à une école complexe. Permettre à tous les parents, et notamment les plus éloignés de l’école, de maîtriser notre système éducatif est un enjeu fondamental.
 
Présenter le « plan de vol » de l’année scolaire aux parents
 
Il est nécessaire que parents et enseignants travaillent ensemble afin d’aider le jeune à franchir les différents obstacles qu’il ne manquera pas de rencontrer tout au long de sa scolarité. Jean-Louis Auduc insiste, il est important que les enseignants présentent aux parents à chaque rentrée scolaire le « plan de vol » de l’année scolaire, autrement dit, quels sont les objectifs à atteindre, comment les atteindre, quelle évaluation mettre en place.
 
Culturellement, en France, la présence des parents au sein de l’école ne va pas de soi. Dans un certain nombre de pays, comme les pays du Nord de l’Europe, le Québec, les parents sont partie prenante et c’est considéré comme un atout pour les conditions d’enseignement. Les choses bougent, mais lentement, déplore Jean-Louis Auduc. De ce point de vue, ce qui avait été fait à l’IUFM de Créteil, c’était de faire que le travail avec les familles soit un axe obligatoire de la formation des enseignants. Il était important que les jeunes se sentent soutenus aussi bien par leur famille que par les enseignants.
 
L’enjeu du bien-être à l’école est extrêmement important car dans une société de tensions où les élèves peuvent être stressés, angoissés – et, souligne Jean-Louis Auduc, le nouveau baccalauréat y a certainement contribué – c’est faire en sorte que le jeune soit dans une situation d’épanouissement, où il apprend à apprendre. Dans un monde en mutation, l’école doit se demander comment être un lieu d’épanouissement qui puisse rejaillir sur l’ensemble du rapport du jeune au savoir. C’est le chantier du futur, et cela implique que l’on considère les parents comme des membres à part entière de la communauté éducative.
 
L’école française est difficile pour les enfants des catégories populaires
 
Donner une place centrale à l’alliance entre les parents et les enseignants, tel est le cœur du projet Réconciliations mis en place par Jérémie Fontanieu, enseignant de sciences économiques et sociales, voici plus de dix ans au lycée Delacroix de Drancy, en Seine-Saint-Denis. Ce projet pédagogique, d’abord élaboré seul par le jeune enseignant, puis avec un collègue de mathématiques, David Benoît, au bout de quelques années, est parti d’un sentiment d’impuissance. Confronté à des élèves issus de catégories très défavorisées, l’enseignant a constaté à quel point le système éducatif est inégalitaire.
 
Jérémie Fontanieu a alors décidé de faire appel aux parents d’élèves, leur soutien étant indispensable pour que les élèves apprennent régulièrement leurs leçons, n’oublient plus leur matériel… Un protocole a été mis en place pour que tous les parents d’élèves soient aux côtés des enseignants. Les parents sont sollicités très tôt dans l’année, au travers d’une démarche proactive, qui ne passe pas par l’ENT (qui dysfonctionne totalement et sur lequel seuls 15% des parents se connectent, avec difficultés). C’est ainsi, poursuit Jérémie Fontanieu, que l’on casse le côté institutionnel qui est généralement celui de la relation avec les parents, on va chercher les parents personnellement, en se présentant à eux, en étant bienveillant, en leur disant que l’on a besoin d’eux, ce qui les valorise et les met dans un état d’esprit très favorable. Les parents ont une forte attente vis-à-vis de l’école, ils ont besoin d’être assurés qu’elle jouera bien un rôle d’ascenseur social pour leur enfant.
 
Souvent, explique Jérémie Fontanieu, les enseignants attendent des parents un comportement idéal, mais sans jamais leur expliquer clairement en quoi cela consiste. Dans le projet Réconciliations, les parents reçoivent des consignes claires (par exemple réviser trois fois cinq minutes dans la semaine son cours de sciences économiques et sociales avant la prochaine évaluation) La relation est très précoce et régulière, de courts sms rappelant les consignes sont envoyés chaque semaine, visant à maintenir la mobilisation des parents. Les parents s’impliquent ainsi plus concrètement, ce qui favorise l’investissement des élèves, qui progressent, et ainsi un cercle vertueux se met en place. D’eux-mêmes les élèves se mettent à appliquer cette méthode dans les autres matières, et d’autres enseignants mettent aussi en place cette relation avec les parents.
 
C’est ainsi, ajoute Jérémie Fontanieu, que le covid a eu très peu d’impact au sein du lycée Delacroix. Grâce au soutien des parents, les élèves étaient tous connectés, une véritable continuité pédagogique a pu être mise en place. Le lycée n’a pas eu de cas de décrochage depuis cinq ans. Les résultats scolaires ont été grandement améliorés et les résultats au baccalauréat remarquables.
 
Jérémie Fontanieu et son collègue David Benoît ont fait connaître leur méthode au sein du monde enseignant grâce à une importante médiatisation, un livre et un film qui va sortir en septembre 2023, consacré à une année scolaire à Drancy. Cette année, une centaine de professeurs, de tous niveaux solaires, de tout le territoire, appliquent cette méthode, créent cette alliance avec les parents. Tous les enseignants témoignent de ce sentiment de libération de ne plus être seuls face aux élèves et de redécouvrir leur métier, d’où le nom du projet, réconciliations entre les parents et les enseignants, entre les élèves et le travail scolaire, entre les enseignants et leur métier.