Harcèlement scolaire : une dynamique de groupe

Professeure en sciences de l’éducation et de la formation à l’Université Paris Cité et affiliée au Centre de recherche sur les liens sociaux (Cerlis) et membre du conseil scientifique de la FCPE, Stéphanie Rubi a travaillé sur les déviances et les violences scolaires. À l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le harcèlement à l'école du 10 novembre 2022, elle décrypte, pour la FCPE, le comportement des enfants qui commettent des actes de harcèlement. Interview.

Dans le cadre scolaire, qu’entend-on derrière le mot harceleur ?
ll faut se méfier de la qualification de harceleur à l’école. Il y a des enfants qui commettent temporairement des actes de harcèlement mais, pour autant, ce ne sont pas des « harceleurs nés ». On est plus sur des comportements déviants à un moment donné que sur des marqueurs identitaires.
 
Pourquoi un enfant se met-il à commettre des actes de harcèlement ?
Il y vient progressivement sans forcément s’en rendre compte. Souvent, on a affaire à des dynamiques de groupe. Au départ, l’enfant suit les autres sans vouloir forcément nuire. Puis, il va se rendre compte que son comportement oppressif a une incidence sur les autres. Il en tire un gain identitaire car son auditoire lui renvoie une image valorisante de lui-même avec respect et déférence. Toute la difficulté ensuite va être de l’extraire rapidement de cette voie déviante.
 
Prend-il conscience du rôle nocif qu’il joue sur l’autre ?
Oui et non. Il y a des éléments dans l’interaction entre lui et sa victime qui viennent neutraliser les règles du vivre ensemble alors que l’enfant les connaît parfaitement et y adhère. Mais dans son cas, il se défend en disant qu’il se devait de réagir ainsi parce qu’il estime avoir été agressé et il minimise le sentiment de la victime. Tout le travail des adultes va consister à lui présenter les autres perspectives et les autres lectures de la situation.
 
Quel est le rôle du groupe ?
Le groupe, en tant qu’audience, pousse l’enfant à se retrancher dans sa position pour ne pas perdre la face, notamment quand un adulte s’en mêle. Mais il peut aussi avoir un autre rôle si on le responsabilise et si on le rend davantage engagé. La plupart des situations de harcèlement sont résolues par l’intervention d’un pair, sans présence d’adulte. Mais encore faut-il au préalable lui avoir donné des arguments et des outils.
 
Que peut faire l’institution pour remédier au harcèlement scolaire ?
D’abord travailler sur le climat scolaire. Les injustices, le flou, les dysfonctionnements, instaurent un cadre défectueux. Les élèves n’ont plus confiance et se démènent comme ils peuvent. C’est la loi du plus fort qui s’installe et corrélativement des situations de harcèlement. Ensuite, clarifier le discours sur le sujet du harcèlement et le partager avec toute la communauté éducative, y compris les parents. Enfin, observer les enfants et les adolescents, individuellement et en groupe, pour repérer les comportements. Les situations de violence, qui tournent au harcèlement quand elles se répètent, sont repérables dans la gestuelle, dans les mots, dans l’occupation de l’espace. Réagir vite permet de les désamorcer.

Infos pratiques

Les outils proposés par la FCPE

En 2021, pour agir contre le harcèlement et en parler à la maison et entre parents, la FCPE a créé un padlet qui répertorie une sélection de ressources. À retrouver, mis à jour, en cliquant ici : https://padlet.com/FCPE_nationale/NONauHARCELEMENT
 
En 2016, la FCPE, la MAE et Tralalere se sont associés pour créer une série de vidéos adressées aux parents pour les aider face à des situations de harcèlement. Cinq thématiques ont été abordées : sensibiliser, détecter, en parler, y mettre fin et agir contre le cyberharcèlement. À regarder sur la chaîne Youtube « Parents, parlons-en ! ».