Le bien-être des enfants et des jeunes : un enjeu de société
La récente crise sanitaire a eu des conséquences néfastes sur la santé mentale des enfants et des jeunes, et par conséquent sur leur bien-être. Comme l’ont souligné Grégoire Ensel, président de la FCPE et Karine Dupuis, secrétaire générale adjointe, en ouverture de ce webinaire, la santé mentale des enfants est un véritable enjeu de société. Des jeunes qui vont mal aujourd’hui et qui ne sont pas pris en charge dans de bonnes conditions sont des adultes qui iront mal dans la société de demain.
Claire Bey, cheffe du bureau de la santé et de l’action sociale de la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) au ministère de l’Éducation nationale, a insisté sur le rôle des parents. « Les parents font partie de la communauté éducative », « Les parents sont des partenaires de l’école », a-t-elle rappelé à plusieurs reprises, ils ont un rôle essentiel à jouer. Les jeunes l’affirment : « Si nos parents vont bien, on va bien ». Ce n’est pas toujours simple, mais des adultes rassurants aident les enfants à se sentir mieux. La santé est une démarche globale qui engage toute la communauté éducative. L’école est un temps déterminant de santé, a précisé Claire Bey, puisque les enfants y passent 40 % de leur temps éveillé.
Pour autant, le constat est sans appel : doublement des symptômes anxieux et dépressifs, triplement des tentatives de suicide chez les moins de 15 ans, selon une étude du CHU Robert Debré de 2020, avec des filles nettement plus touchées que les garçons. Pour cela, le ministère s’est engagé dans la démarche « école promotrice de santé » destinée à promouvoir les bonnes pratiques, agir sur les déterminants de santé et les inégalités de santé, développer les compétences psychosociales des jeunes.
L’infirmier scolaire, premier interlocuteur
En cas de doute, le premier interlocuteur des jeunes et des parents est souvent l’infirmier scolaire, lorsqu’il existe, mais aussi le médecin scolaire, le psychologue de l’Éducation nationale, un enseignant, le CPE, le chef d’établissement. Il est important de repérer les signaux faibles, sans hésiter, le plus précocement possible. Dès que l’on constate que cela devient difficile pour l’enfant le matin, qu’il rechigne, les parents doivent alerter. Une prise en charge précoce aura de meilleurs résultats.
Claire Bey a terminé en rappelant l’importance du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE) où siège l’ensemble des membres de la communauté éducative et meilleure porte d’entrée pour évoquer les sujets de la santé et du bien-être.
Eric Delemar, Défenseur des enfants, adjoint de Claire Hédon, Défenseure des droits, a quant à lui souligné que la santé mentale est le sujet sur lequel il est le plus sollicité depuis un an. Pour mémoire, la mission de l'institution qu’il représente est de défendre les droits des enfants en accord avec la Convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France. L’article 24, notamment, énonce le droit à la santé pour tous les enfants.
Bien plus que l’absence de maladie, la santé mentale est une question de bien-être et une question de droit. Depuis trois ans, ce sont 10 000 instructions qui ont été lancées concernant des atteintes aux droits fondamentaux des enfants. 30 % de ces saisines concernent des atteintes au droit à l’éducation. La plus grande des discriminations reste la scolarisation des enfants en situation de handicap. Toutes ces situations ont des conséquences sur le bien-être des enfants et sur leur santé psychique. Il faut aussi citer les enfants qui attendent des mois avant d’obtenir une consultation en CMPP*, des adolescents soignés dans des services réservés aux adultes, faute de place en pédopsychiatrie, d’enfants victimes de violences institutionnelles ou intrafamiliales qui ne sont pas repérés, faute de coordination entre les acteurs. Ce sont dans les difficultés d’accès au droit que vont se concentrer les atteintes au bien-être.
Les toilettes, un impensé du bâti scolaire
Par ailleurs, souligne Eric Delemar, les aménagements, le bâti, sont des points importants à prendre en compte. Ainsi, les toilettes restent un impensé, même dans les bâtiments scolaires flambant neufs où tout est dernier cri, sauf les toilettes qui sont exactement les mêmes, avec des portes qui ferment mal, des enfants qui hésitent à y aller... L’école doit être pensée comme un lieu de vie où les enfants passent une grande partie de leur temps. Il faut créer les conditions pour que les enfants se sentent disponibles pour les apprentissages.
Nous devons interroger notre incapacité collective à pouvoir parler de sujets importants avec les enfants, comme le respect du corps, le consentement, les émotions... Il faut soutenir les enseignants, renforcer la médecine scolaire qui joue un rôle fondamental auprès des enfants car elle est en accès direct. C’est le seul endroit, avec la Maison des adolescents où les enfants peuvent aller seuls voir un professionnel de santé. Les professionnels de santé doivent être dans les établissements, c’est une priorité, insiste Eric Delemar.
« Crise climatique, crise sociale, crise économique... qui se cumulent, nous avons une dette de bienveillance envers les jeunes et l’école doit être le premier lieu où honorer cette dette », martèle Grégoire Ensel, en conclusion. La FCPE défend l’idée que l’école doit être un poste médical avancé, où les jeunes peuvent s’adresser à des adultes capables de les orienter, de leur apporter un premier niveau de réponse, de détecter des signaux faibles et de pouvoir entamer un dialogue, ce qui nécessite formation et accompagnement de ces personnels.
*CMPP : centre médico-psycho-pédagogique