Élèves à besoins éducatifs particuliers : repérer, orienter, agir pour leur avenir
Un enfant à besoins éducatifs particuliers est avant tout un élève avec des besoins qu’il s’agit de repérer et de prendre en charge le plus précocement possible afin de l’accompagner au mieux dans ses apprentissages. Or, ce processus est souvent long et complexe pour les familles concernées, faute d’informations accessible et de moyens suffisants. Ce webinaire tentera d’apporter un certain nombre de pistes afin d’aider les parents dans ce parcours du combattant.
Ce 20 novembre, jour anniversaire de la signature de la Convention relative aux droits de l’enfant, a été l’occasion pour la FCPE de rappeler que la place de tous les enfants est en classe.
Avec le docteur Valérie Sirouet, médecin en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) et médecin référent au centre d’information et de coordination sur les TLA (troubles du langage et des apprentissages) de Rochefort (17).
Contenu de la vidéo :
• Mot d'accueil par Abdelkrim Mesbahi, président national de la FCPE
• Introduction par Adeline Nedey, secrétaire générale de la FCPE : à partir de 1 min 36
• Intervention du docteur Valérie Sirouet : à partir de 3'30
• Questions/réponses : à partir de 1h09
Foire aux questions [si besoin, voir la liste des sigles plus bas]
Ecrite en collaboration avec le Dr Sirouet.
1. Pourquoi les diagnostics des troubles (TDAH, TDL, TSLA, etc.) sont-ils longs et complexes, et comment mieux différencier ces troubles, surtout lorsqu’ils coexistent ?
Les délais et la complexité des diagnostics s’expliquent par plusieurs facteurs :
a. Un manque de professionnels formés et disponibles :
Les délais pour consulter des spécialistes (neuropsychologues, orthophonistes, pédiatres spécialisés, etc.) sont souvent très longs, parfois jusqu’à deux ans. Cela s’explique par un déficit de professionnels formés, une surcharge des structures publiques (comme les CMP et CMPP), et un déséquilibre territorial dans leur répartition.
b. La complexité des troubles :
Les troubles comme le TDAH, le TDL ou le TSLA partagent des symptômes qui peuvent se chevaucher, rendant leur différenciation délicate. De plus, il est fréquent que ces troubles coexistent chez un même enfant, nécessitant une évaluation pluridisciplinaire approfondie pour établir un diagnostic précis.
c. Un parcours médical trop fragmenté :
Les familles doivent souvent naviguer entre plusieurs professionnels (orthophonistes, psychologues, pédiatres, ergothérapeutes, etc.), ce qui complique et rallonge le processus. L'absence d'un référent unique pour coordonner les évaluations est un frein majeur à l’efficacité du diagnostic.
2. Les dispositions présentées s'appliquent-elles également aux enfants du réseau de l’AEFE (Agence pour l’enseignement français à l’étranger) ? Quelles sont les modalités spécifiques au réseau de l’AEFE si ce n'est pas le cas ?
Pour les enfants scolarisés dans le réseau de l’AEFE, les dispositifs doivent être adaptés selon les pays. Cependant, l’application des mesures françaises peut varier en fonction des ressources locales et des accords bilatéraux.
3. Quelles solutions existent pour les familles confrontées à un manque de professionnels, comme les orthophonistes, et pourquoi les PCO ne sont-elles pas accessibles au niveau collège ?
La pénurie de professionnels (orthophonistes, ergothérapeutes, etc.) est une réalité alarmante. La FCPE plaide pour un renforcement des moyens publics, notamment par l’augmentation des formations et des incitations pour une meilleure répartition territoriale.
Les plateformes de coordination et d'orientation (PCO) sont actuellement centrées sur le diagnostic précoce des troubles neurodéveloppementaux (TND) pour les jeunes enfants, limitant leur accès à d’autres tranches d’âge.
La FCPE demande un élargissement de leur périmètre pour inclure les collégiens, qui rencontrent souvent des difficultés accrues sans prise en charge adéquate. Il est impératif de garantir une continuité dans l’accompagnement des élèves tout au long de leur parcours scolaire.
4. Les dispositifs inclusifs (PAP, PPS, PPRE) sont-ils obligatoires dans tous les établissements (publics, privés sous et hors contrat) ?
Ces dispositifs sont obligatoires dans les établissements publics et privés sous contrat. Cependant, dans les établissements privés hors contrat, leur application dépend de la volonté de la direction.
5. Comment faire respecter un PAP ou un PPS face à des enseignants ou établissements qui refusent de les appliquer ?
La FCPE encourage les parents à adresser un courrier écrit à l’établissement afin de rappeler ses obligations légales. Si la situation ne se débloque pas, plusieurs recours sont possibles :
• Saisir l’inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) pour le primaire ou l’autorité académique/DSDEN.
• Demander l’accompagnement d’associations spécialisées pour les aider dans leurs démarches. La MDPH ne peut intervenir que si un dossier a été déposé.
• Engager une procédure juridique en portant plainte, conformément à la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, qui réaffirme le droit à l’éducation inclusive pour tous les élèves en situation de handicap.
Par ailleurs, il est essentiel de renforcer la formation des enseignants afin de les sensibiliser à l’importance de ces dispositifs pour la réussite scolaire des élèves.
6. Quelles sont les étapes et les conditions pour mettre en place un PAP ou un PPS après reconnaissance par la MDPH ?
- Le plan d’accompagnement personnalisé (PAP) est mis en place à la demande du médecin scolaire, après une évaluation des besoins spécifiques de l’élève. Cette évaluation repose sur l’analyse des documents fournis par la famille ainsi que ceux transmis par l’établissement scolaire. Le PAP ne nécessite pas de reconnaissance par la MDPH.
- Le projet personnalisé de scolarisation (PPS) est instauré après une notification de la MDPH. Son élaboration suit plusieurs étapes :
• Les parents déposent une demande auprès de la MDPH ;
• L’équipe pluridisciplinaire de la MDPH procède à une évaluation des besoins de l’élève ;
• Une réunion d’équipe éducative est organisée, sous la coordination de l’enseignant référent, afin de définir le contenu du PPS. Cette réunion inclut les enseignants et, dans certains cas, le médecin scolaire.
7. Pourquoi certains collèges remplacent-ils le PAP par un PPRE en 3e, et existe-t-il un texte réglementaire à ce sujet ?
Aucun texte réglementaire n’impose de remplacer un PAP (plan d’accompagnement personnalisé) par un PPRE (programme personnalisé de réussite éducative) en classe de 3ᵉ. Au contraire, une telle substitution est interdite, car c’est le PPRE qui peut être remplacé par un PAP lorsque des troubles durables sont reconnus.
La FCPE rappelle que le PAP est un droit légal et qu’il ne peut être remplacé par un PPRE sans l’accord des parents, ces deux dispositifs ayant des objectifs distincts.
8. Un PPS peut-il contenir uniquement des adaptations pédagogiques sans AESH ?
Oui, un PPS peut se limiter à des adaptations pédagogiques si les besoins de l’élève ne justifient pas la présence d’un AESH. La décision est prise par l’équipe éducative en fonction des recommandations de la MDPH.
9. Un bilan neuropsychologique ou ergothérapeutique suffit-il pour justifier un PAP ?
Cela dépend des besoins spécifiques de l’enfant. Il peut être nécessaire de consulter un orthophoniste, un orthoptiste, un psychomotricien ou un ergothérapeute selon les troubles identifiés.
10. Comment gérer les conflits entre les recommandations médicales et leur application dans l’établissement scolaire ?
La FCPE conseille d’organiser une réunion entre les parents, l’équipe éducative et le médecin scolaire pour clarifier les recommandations et trouver un consensus. Si nécessaire, il est possible de faire appel à l’IEN ou au médiateur académique.
11. Peut-on différencier un TDL (trouble du développement du langage) d'une dyslexie, notamment lorsqu’ils coexistent ?
Les deux troubles sont différents : le TDL affecte le développement global du langage, tandis que la dyslexie est un trouble spécifique des apprentissages, lié à la lecture. Cependant, ils peuvent coexister, rendant le diagnostic complexe. Une évaluation pluridisciplinaire (orthophoniste, neuropsychologue, etc.) est indispensable pour distinguer ces troubles et mettre en place des prises en charge adaptées.
12. Comment différencier le TDL et le TSLA ?
Le TSLA (trouble spécifique du langage et des apprentissages) englobe plusieurs troubles, parmi lesquels le TDL (trouble du développement du langage) peut être un élément. Le TDL affecte principalement le langage oral, tandis que le TSLA inclut d’autres troubles comme la dyslexie, la dyscalculie ou la dyspraxie. Une évaluation approfondie est nécessaire pour bien distinguer ces troubles. Le TSLA résulte souvent d’un TDL ou en est une évolution.
13. Quelles alternatives existent pour les familles qui ne peuvent pas accéder à un orthophoniste faute de disponibilité ?
La pénurie de professionnels représente un enjeu majeur.
La FCPE demande une augmentation des places en formation d’orthophoniste, une meilleure répartition des praticiens sur le territoire et la mise en place de solutions d’urgence, telles que des plateformes d’accompagnement. En attendant, la réalisation d’un bilan normé constitue une première étape essentielle, tandis qu’un suivi régulier apporte un soutien complémentaire.
14. Un enfant TDL dont la langue maternelle n’est pas le français devrait-il poursuivre sa scolarité dans une école où sa langue maternelle est enseignée ?
Non, car en général, les difficultés se manifestent de manière similaire dans les deux langues. De plus, la scolarisation en France se fait en français, tout comme les évaluations et bilans.
15. Les troubles neurodéveloppementaux (TND) varient-ils selon le contexte socio-économique, et les écoles sont-elles suffisamment équipées pour détecter et accompagner les enfants hypersensibles aux stimuli environnementaux ?
Les TND (troubles du neurodéveloppement) ne sont pas liés au contexte socio-économique. Dans les écoles situées en éducation prioritaire, ces troubles sont moins souvent diagnostiqués, car les établissements proposent une adaptation plus poussée aux élèves en difficulté. Ces élèves bénéficient de classes dédoublées, de l’accompagnement des enseignants du RASED, de dispositifs spécifiques pour les allophones, ainsi que d’un accès facilité aux professionnels paramédicaux présents sur le secteur.
16. Existe-t-il un lien entre l’augmentation des diagnostics de troubles et des facteurs environnementaux comme le confinement ?
Les périodes de confinement ont exacerbé certaines difficultés, notamment en limitant les interactions sociales et en augmentant le stress familial. Cela a conduit à une meilleure reconnaissance de certains troubles.
La meilleure reconnaissance des troubles est due à un meilleur dépistage, au PCO, à l’information largement diffusée, mais de fait il y a toujours le même pourcentage d’enfants TND dans la population.
17. Comment les parents peuvent-ils contester les décisions de la MDPH en cas de refus ou de restriction d’un PPS ?
Les parents peuvent :
• Faire un recours gracieux auprès de la MDPH dans un délai de deux mois après la notification.
• Saisir la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
• En dernier recours, porter l’affaire devant le tribunal administratif.
La FCPE propose un soutien aux familles dans ces démarches et plaide pour une meilleure transparence des critères d’attribution des aides.
18. Certains enseignants et éducateurs ont-ils tendance à « étiqueter » les enfants trop rapidement ? Existe-t-il une tendance à l’étiquetage excessif des troubles ?
L’étiquetage excessif peut être un risque, notamment en l’absence de diagnostics médicaux précis. Cela peut enfermer les enfants dans une vision réductrice de leurs capacités.
19. Quel rôle peuvent jouer les représentants FCPE et les parents délégués dans l’accompagnement des familles et la sensibilisation des enseignants sur les troubles neurodéveloppementaux ?
Les représentants FCPE et parents délégués peuvent :
• Être des relais d’information sur les dispositifs d’accompagnement et les droits des familles.
• Proposer des actions de sensibilisation dans les établissements scolaires, comme des ateliers ou conférences sur les troubles neurodéveloppementaux.
• Porter la voix des familles auprès des instances académiques pour améliorer les conditions d’accueil et de prise en charge des élèves concernés.
• Militer pour une formation obligatoire des enseignants sur ces sujets.
20. Quelles actions peuvent être entreprises par les parents et les élus FCPE pour améliorer l’intégration des enfants à besoins particuliers et pallier les refus de prise en charge (PAP/PPS, absence d’AESH) ?
• Échanger avec l’établissement : Rencontrer le chef d’établissement (directeur pour le 1er degré) et l’enseignant référent afin de comprendre les raisons du refus et rappeler les droits de l’enfant. En cas de besoin, solliciter l’IEN (inspecteur de l'Éducation nationale) pour le 1er degré ou l’IPR (inspecteur pédagogique régional) pour le second degré.
• Intervenir selon le type de refus :
a. Pour un refus de PAP, contacter le médecin scolaire.
b. Si les aménagements ne sont pas appliqués malgré un PPRE, PAP ou PPS, s’adresser à l’IEN (1er degré), au principal (collège) ou au proviseur (lycée).
• Faire appel aux élus FCPE : mobiliser les représentants FCPE pour intervenir auprès des instances académiques et des commissions compétentes (MDPH, DASEN, IEN ASH).
• Participer aux instances scolaires : Profiter des conseils d’école et d’administration pour évoquer ces problématiques et sensibiliser la communauté éducative.
• Saisir les autorités compétentes : en cas de blocage persistant, les parents peuvent adresser un recours à la MDPH, au médiateur académique ou au tribunal administratif afin de faire respecter les droits de l’enfant.
• Mener des actions collectives : Organiser des campagnes de sensibilisation, mobiliser d’autres parents et lancer des pétitions pour interpeller les autorités locales et académiques.
21. Quel rôle les psychologues cliniciens en libéral peuvent-ils jouer dans les diagnostics et l’accompagnement scolaire ?
Les psychologues cliniciens peuvent :
• Évaluer les troubles : Bien qu’ils ne soient pas systématiquement spécialisés en neuropsychologie, certains peuvent participer à l’identification de troubles neurodéveloppementaux, bien que cela reste rare. Ce rôle est généralement assumé par les neuropsychologues, qui ne sont pas des cliniciens.
• Fournir des recommandations : Ils rédigent des comptes rendus pouvant aider les enseignants et les équipes éducatives à adapter leurs pratiques en fonction des besoins des enfants.
• Soutenir les familles : Ils offrent un accompagnement psychologique aux parents et les guident dans les démarches administratives et scolaires.
22. Le système éducatif français met-il trop de pression sur les élèves en valorisant excessivement la performance, au détriment des enfants qui sortent du cadre ?
Constat : Le système éducatif met principalement l’accent sur la performance académique (notes, classements, examens), ce qui peut marginaliser les élèves ayant des besoins spécifiques ou des troubles, en ne prenant pas toujours en compte leurs particularités.
Conséquences :
• Les élèves en difficulté subissent une double peine : leurs besoins sont souvent mal compris, et ils font face à des attentes inadaptées.
• Cela peut entraîner du stress, un sentiment d’échec et parfois un désengagement scolaire.
Évolution et nuances :
• L’introduction des notations par couleurs en primaire a apporté une amélioration, même si les notes restent présentes dans le privé et deviennent plus sélectives au fil du parcours scolaire.
• Un certain élitisme est inévitable à mesure que l’on avance dans les études, car il faut bien établir des critères de sélection, tout en gardant à l’esprit qu’il existe plusieurs chemins vers la réussite.
• La plupart des élèves avec des troubles neurodéveloppementaux (sauf TSA sévère) parviennent à compenser leurs difficultés et à mener une vie normale.
• Les véritables défis se situent surtout dans le cadre scolaire, tandis que dans la vie quotidienne et professionnelle, ces élèves rencontrent généralement moins d’obstacles.
Liste des sigles utilisés
AESH : Accompagnant des élèves en situation de handicap
CDAPH : Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées
CMP / CMPP : Centre médico-psychologique / Centre médico-psycho-pédagogique
DSDEN : Direction des services départementaux de l’Education nationale
IEN : Inspecteur de l’Education nationale
IEN ASH : Inspecteur de l'Éducation nationale - adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés
IPR : Inspecteur pédagogique régional
MDPH : Maison départementale des personnes handicapées
PAP : Plan d’accompagnement personnalisé
PCO : Plateforme de coordination et d'orientation
PPRE : Programme personnalisé de réussite éducative
PPS : Projet personnalisé de scolarisation
RASED : Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté
TDAH : Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité
TDL : Trouble du développement du langage
TND : Trouble du neurodéveloppement
TSLA : Trouble spécifique du langage et des apprentissages