Les élèves de CP sous pression
« Après tout juste deux semaines d’école, il est évident que ces évaluations diagnostiques vont inquiéter de nombreux parents, explique Carla Dugault, secrétaire générale de la FCPE. Nous avons pris connaissance des cahiers d'exercices qui seront distribués aux élèves, et pour beaucoup d’items, ce sera très difficile pour eux d’y répondre. Sans oublier que certains arrivent à l’école, sans avoir été scolarisés auparavant en maternelle. »
Cette semaine, dans tous les établissements scolaires, les acquis des élèves entrant en CP seront étudiés nationalement en français et en mathématiques. Des examens – appelés « passations » par le ministère – qui dureront près de deux heures au total : 4 séances de 20 minutes en français, et 3 séances de 10 minutes en mathématiques. Avec un niveau de difficulté assez incompréhensible pour des élèves n’ayant pas encore appris à lire, ni à écrire ! Citons deux exemples : l’enfant a sous les yeux une ligne de mots : « papillon, papa, papi », et doit entourer celui que l’enseignant vient de prononcer ; à côté d’images imprimées (un lit, un tapis, un domino, un vélo), l’enfant écrit le mot correspondant au dessin. Dans le cahier destiné au professeur des écoles, il est indiqué : « L’enseignant dédramatisera la situation d’écriture en précisant aux élèves qu’il faut essayer d’écrire même s’ils ne sont pas sûrs d’y arriver ». « Même dans les recommandations édictées aux enseignants, la pression qui risque de peser sur les enfants est pointée du doigt. Cela pose vraiment la question de la finalité de ces tests, qui étaient de toute façon déjà conduits par les enseignants dans leurs classes, mais de manière bien moins protocolaires », poursuit Carla Dugault.
Une remise en cause des programmes de maternelle ?
Pourquoi avoir besoin de collecter des indicateurs nationaux sur le niveau de compétences des élèves à l’entrée en CP ? Les réponses du ministère en la matière restent floues. Pourquoi avoir divulgué le contenu des évaluations avant que les élèves n’aient les livrets entre les mains ? La démarche a surpris de nombreux syndicats enseignants. La FCPE craint, elle, que leur publication n’ait poussé certains parents à lire en amont les épreuves. Et comme si le message sous-jacent était : « Les parents ont un rôle à jouer, ils peuvent préparer un peu leurs enfants… »
« Tous les signaux sont au rouge, et laissent penser que le ministère souhaite modifier les programmes de maternelle. C’est ce qui interpelle le plus, conclut Carla Dugault. Les compétences ciblées dans ces évaluations donnent le sentiment que les rudiments de la lecture et de l’écriture sont à inculquer dès le plus jeune âge. La FCPE a beaucoup travaillé dans le cadre de la refonte des programmes pour que ceux-ci soient les plus adaptés au regard du développement de l’enfant. Ce serait vraiment dommage de perdre les avancées obtenues à l’époque ».