Simplifier les conseils de discipline, quel impact sur le climat scolaire ?
Une présence policière, une période probatoire pour toute exclusion, un registre d’incident… Ces annonces ont un air de déjà-vu. Un fait divers intolérable et, dans la foulée, des réponses sécuritaires visant avant tout les élèves et ne répondant pas à l’essentiel, à savoir le mal-être des enseignants exprimé à travers le #pasdevague.
Simplifier les conseils de discipline, pour permettre aux directions d’y avoir davantage recours, figure également parmi le plan d’actions de Jean-Michel Blanquer. Cette instance serait-elle donc sous-utilisée ? « Selon les travaux faits sur ce sujet, les recours au conseil de discipline sont modérés », rectifie Benjamin Moignard, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Est.
Un cadre légal peu appliqué
Petit rappel : le conseil de discipline est convoqué à l’initiative du chef d’établissement et statue sur le cas d’élèves ayant commis de graves manquements au règlement de l’établissement et/ou à la loi. Sa finalité est certes de ne pas laisser l’acte en question impuni, mais c’est aussi une instance où l’élève impliqué doit être entendu afin de donner sa version des faits et se défendre.
L’exercice est loin d’être facile et peut nécessiter un accompagnement. D’où le fameux délai de huit jours, que souhaite réduire le ministre de l’Éducation nationale, durant lequel la famille de l’élève mis en cause en conseil de discipline doit comprendre la procédure, chercher un accompagnateur si elle le souhaite, prendre connaissance du dossier…
Dans la réalité, il y a une réelle difficulté à faire appliquer le droit commun dans les conseils de discipline. « Malgré les textes, ce sont des instances à charge uniquement, remarque Benjamin Moignard. Les procédures sont rarement respectées et le droit à la contradiction, principe fondamental, non plus. Du coup, quand les familles contestent une décision, elles gagnent systématiquement. »
Autre constat : les horaires des conseils de discipline aux heures ouvrables sont souvent un obstacle pour la participation des parents et en soi une entorse à la co-éducation.
Une instance détournée de sa fonction éducative
Autre constat : les conseils de discipline se soldent presque toujours par une exclusion définitive. Pourtant, « cette instance devrait être utilisée pour discuter avec les élèves qui posent des problèmes, sans aboutir à la sanction la plus dure », rappelle Benjamin Moignard.
Le Code de l’éducation prévoit d’autres sanctions, comme les mesures de responsabilisation mises en place en 2011, prenant la forme de travaux d’intérêt général à hauteur d’un établissement scolaire. « Mais ces mesures sont très peu utilisées car trop compliquées à mettre en place, constate Benjamin Moignard. Et dans la culture d’une majorité de chefs d’établissement et des enseignants, ces mesures sont souvent perçues comme des fausses sanctions parce qu’elles sont trop éducatives. »
Un espace où se cristallisent les rapports entre les équipes
Pourquoi les enseignants refusent-ils la perspective éducative ? « Ils se sentent très seuls et peu soutenus par leur hiérarchie et l’institution, observe Benjamin Moignard. Ces enseignants en difficulté et en souffrance se replient là où ils ont encore des espaces de pouvoir. Les conseils de discipline, où se cristallisent les rapports entre adultes, en font partie même si on sort parfois des cadres légaux qui les régissent. La sanction revêt une allure qui dépasse l’événement en tant que tel. » Mais l’inflation de la sanction est contre-productive, « toutes les études le montrent », rappelle le chercheur. Et les violences à l'école perdurent...
Pour sanctionner des actes intolérables, le cadre réglementaire existe et il n’est pas laxiste. L’enjeu réel, c’est d’éviter la violence en gérant l’ordre scolaire au quotidien de manière à ce que la perspective éducative soit une priorité partagée. « Cela nécessite des adultes en confiance et une cohérence d’équipe. C’est le premier facteur d’amélioration du climat scolaire », conclut Benjamin Moignard.
Ressources
Infos pratiques
Le conseil de discipline est composé de quatorze participants : neuf membres de l’établissement, dont quatre membres de droit et cinq représentants du personnel, et cinq usagers, trois parents et deux élèves au collège et trois élèves et deux parents au lycée.