École inclusive : ça grogne sur le terrain !
L’école inclusive doit s’adapter aux besoins de tous les élèves, en prenant en compte les spécificités de chacun. C’est ce qu’a réaffirmé la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République en 2013. Mais qu’en est-il vraiment en cette rentrée scolaire 2018 ?
Des discours, des chiffres… et la réalité sur le terrain
Côté discours, l’engagement pour l’école inclusive est toujours audible. En témoigne celui prononcé, jeudi 18 septembre à l’Assemblée nationale, par Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.
Côté chiffres, ceux communiqués par le gouvernement se veulent également rassurants. 340 000 élèves en situation de handicap ont fait leur rentrée. Parmi eux, 175 000 ont besoin d’un accompagnement. Pour eux, il est prévu plus de 100 000 accompagnants, certains mutualisés entre plusieurs élèves.
Pourtant, sur le terrain, ça grogne. Le collectif citoyen handicap a opté pour une action spectaculaire mercredi 19 septembre : plusieurs mères d’enfants en situation de handicap sont montées au sommet d’une grue afin de sensibiliser le grand public. Une nouvelle mobilisation est prévue le mercredi 7 novembre.
Quant aux 3 584 postes supplémentaires d’accompagnants d’enfants en situation de handicap (AESH) en équivalent temps plein créés cette année, ils ne recouvrent visiblement pas la totalité des besoins puisque localement, des rassemblements dénoncent des manques d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) et d’accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). « Même si l’AVS est notifiée, la veille de la rentrée, on ne sait jamais si elle sera présente, remarque Voula Segalen, qui pratique l’école inclusive depuis que sa fille, en fauteuil roulant, est en âge d’être scolarisée. Ce n’est jamais rassurant. »
Certes, 77% des parents estiment que les élèves en situation de handicap sont aujourd’hui mieux accueillis dans les classes qu’il y a 10 ans, mais ils notent encore de nombreuses difficultés, comme le souligne une enquête menée par l’APAJH à la fin de l’été 2018. Tous sont en attente de plus d’investissements pour permettre une meilleure scolarisation : 63 % souhaitent davantage de personnel accompagnant, 53 % de meilleures infrastructures d’accès, et 50 % des équipes éducatives mieux formées.
Un parcours du combattant pour les parents
Par ailleurs, avant que leur enfant ne soit comptabilisé parmi les élèves en situation de handicap à l’école, les parents doivent constituer un dossier complexe et « différencier troubles cognitifs et/ou moteurs, des difficultés passagères », explique Éric Voisin, secrétaire général adjoint de la FCPE Sarthe, responsable de la commission « Scolarisation des enfants en situation de handicap ». Mais quel que soit le parcours à la carte, « ça reste un parcours du combattant pour les parents ».
Pour aider les familles, la FCPE Sarthe a créé une plaquette afin de les informer sur le dispositif et le circuit d’une demande au niveau du département. « Les parents ne doivent pas hésiter à se rapprocher les associations de proximité pour ne pas rester seuls, conseille Éric Voisin. À la FCPE, des parents vont être formés pour devenir des référents dans les départements. »
Car entre la jungle des sigles, les lenteurs administratives, la méconnaissance des équipes enseignantes qui se forment sur la base du volontariat, les locaux inadaptés, des accompagnants peu ou pas formés… les obstacles sont nombreux et les raisons de découragement multiples. Au bout du bout, le manque de place dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou les instituts médico-éducatifs (IME) et le manque d’accompagnants, surtout dans les zones rurales, poussant les parents à renoncer. « Ces métiers ne sont pas assez valorisés, déplore Éric Voisin. Maintenant qu’ils sont mutualisés, ça devient difficile de recruter à cause des temps de transport entre deux établissements et des frais qu’ils occasionnent. »
Combien d’enfants déscolarisés ? Le chiffre qui manque
« Le gouvernement ne communique que sur les chiffres des élèves en situation de handicap scolarisés mais combien sont-ils à être déscolarisés ? interroge Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer à l’Unapei, première fédération française de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées et de leurs familles. Tous les dispositifs sont embouteillés. » L’Unapei a d’ailleurs publié un manifeste pour alerter sur cette réalité difficile à chiffrer, la veille de la rentrée. Les carences d’accompagnements génèrent des situations de souffrance et peuvent conduire à la déscolarisation. « Parce que la solution est maltraitante », résume Catherine Lafont, chargée de mission enfance éducation.
Voula Segalen n’a jamais renoncé à scolariser sa fille mais chaque année, elle se bat. « J’ai commencé par le pire, se souvient-elle. En primaire, Maria-Tina était un problème pour la directrice. Elle est devenue le problème de la classe… » Cette année, sa fille a fait sa rentrée en 6e avec la même AVS depuis trois ans. « Quel soulagement ! » commente sa mère. Si l’on excepte les déplacements compliqués dans des locaux inadaptés au fauteuil roulant et le regard encore pesant des autres enfants en résonance avec celui de la société sur le handicap, « ça se passe plutôt bien ». En sera-t-il de même l’année prochaine ?
Infos pratiques
Les équipes des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des académies sont mobilisées. Les familles peuvent contacter la cellule « aide handicap école » au 0800 730 123 ou sur aidehandicapecole@education.gouv.fr.